Lucien de MALEVILLE (1881-1964)
Ruines sur le Tage
Huile sur toile, 97x156cm
Salon des artistes français 1932
Prix de la société des paysagistes français
Collection établissement Saint-Joseph de Sarlat
Crédit : Association Lucien de Maleville et Philippe Rivière
L’association Lucien de Maleville a identifié en 2012 cette œuvre comme prioritaire pour les futurs projets de restauration d’œuvres de l’artiste . Grâce au soutien de l’Organisme de gestion de l’établissement Saint-Joseph de Sarlat, propriétaire de l’œuvre, et l’association des Anciens élèves, le tableau a pu être restauré et inauguré fin août 2022.
Une cinquantaine de participants s’étaient réunis pour l’occasion, dont plusieurs anciens élèves de l’établissement à qui l’artiste avait fait don du tableau en 1938. Lucien de Maleville était lui-même ancien élève et y enseigna le dessin à partir des années 1940.
Des œuvres sauvegardées
Poursuivant son but de défense et de promotion de l’œuvre de l’artiste-peintre postimpressionniste Lucien de Maleville (1881-1964), l’association Lucien de Maleville a identifié dès 2012 cette œuvre comme prioritaire pour les projets de sauvegarde d’œuvres de l’artiste. Ce tableau primé (Prix de la société des paysagistes français 1932) a été offert en 1938 par l’artiste au Collège Saint-Joseph de Sarlat.
Cette même année 1938, un an avant le déclenchement de la guerre, Lucien de Maleville fait don de trois autres œuvres maitresses aux écoles communales de Domme, Cénac et La Roque-Gageac, traduisant son souci d’éveiller la sensibilité artistique des jeunes générations dans ces lieux de transmission du savoir.
L’association Lucien de Maleville avait déjà permis la restauration de La Dordogne à Beynac (1927, collection Ville de Domme) et La Place de la Halle à Domme (1937, collection MAAP) dans le cadre du partenariat qu’elle avait initié en 2013 avec le très réputé Institut national du Patrimoine (INP) qui forme les conservateurs et restaurateurs.
Gilbert Lamothe, administrateur de l’association Lucien de Maleville, a notamment accompagné ce projet auquel il a cru dès le départ : enfant, il s’est ému de la contemplation de L’orage en Sarladais au-dessus du bureau de son instituteur à l’école de Cénac.
L’œuvre qui était dans un mauvais état de conservation (peinture écaillée, manques, décrochage de la toile du châssis) a pu être restaurée pour un montant de 1480 euros parf la restauratrice Béatrice Bayer-Bayle grâce aux concours financiers de l’association des Anciens élèves de Saint-Joseph de Sarlat, de l’organisme de gestion de l’établissement (OGEC) et de l’association Lucien de Maleville. La direction de l’établissement a également facilité la réalisation de ce projet. Après plusieurs années placée en réserve, elle peut désormais à nouveau être vue des élèves et de l’ensemble de l’équipe intervenant dans l’établissement.
Le thème de l’eau jaillissante dans un paysage désolé
Ruines sur le Tage est une œuvre qui s’inspire des paysages rudes, sévères et nus aux coloris chauds que Lucien de Maleville contemple à l’occasion de quatre voyages d’études en Espagne, le premier en 1909, le second en 1930 à Tolède et ses environs, le troisième en 1932 avec les artistes Désiré-Lucas et Joly de Beynac, le dernier en 1933-1934.
Dans l‘histoire de l’art, le Tage et Tolède, c’est le Gréco. Mais Lucien de Maleville est aux antipodes du baroque et, en choisissant ce paysage castillan, il a trouvé matière à dépouillement mais aussi une gageure. Ce sujet atypique dans son œuvre pour le choix de la composition constitue une rupture dans ses codes plastiques. Le motif lui impose une autre approche. Le sujet de la toile serait un désert s’il n’y avait pas cette notation de ruines au bord du fleuve que, d’ailleurs, son maître Désiré-Lucas lui conseillait de supprimer.
Ces restes s’avancent élégamment vers l’eau, seule trace d’une présence humaine révolue : pas de personnages, pas d’anecdotes. La morphologie du cirque minéral montre des angles, des pointes presque agressives traitées avec « des ocres modulés ; pas de noir ». La quasi-symétrie axée autour de la rivière impose la surface de l’eau comme le sujet principal. Cette eau peinte avec un bleu turquoise obtenu par mélange de bleu de Prusse, de blanc et de jaune de strontiane, choix que l’artiste justifie dans ses écrits contraste violemment avec les couleurs environnantes.
De grandes obliques oblitèrent la vision presque tragique de cette sierra désolée. Le parti-pris de la symétrie installée autour de la rivière qui ici prend l’allure d’une caldera est un choix hardi. La symétrie est un système plastique banni depuis longtemps dans la peinture classique parce que source d’égalités donc de monotonie. D’autres toiles de Maleville proposent des vues du Tage mais de manière plus classique quant à la composition. Par le choix du sujet et des espèces spectrales, cette œuvre est d’une étonnante modernité.